Assurances et émeutes

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Publié le: 29-11-2024

L'assurance des émeutes et mouvements populaires en France

A la suite des dégradations survenus en France au cours des dernières années, les assureurs veulent retirer la garantie "Emeutes, évènements populaires et sabotages" des couvertures dommages aux biens incluses en France dans tous les contrats multirisques. Cette garantie n'est pas obligatoire au sens de la loi mais incluse dans les contrats d'assurances dommages aux biens distribuée en France. Ils peuvent donc la modifier à volonté.

A la suite des événements survenus en Nouvelle-Calédonie, Allianz (l'un des premiers assureurs mondiaux) et QBE (1er assureur australien) ont perdu chacun plusieurs centaines de millions d'euros chacun. Allianz a engagé une procédure contre l'Etat français pour faire prendre en charge ses pertes sur la base d'une carence des opérations de maintien de l'ordre. Dans le même temps AXA a actionné des cellules d'assistance d'urgence allant bien au-delà de ses obligations contractuelles pour aider à faire face à la détresse de tous.

Les événements récents en Martinique ont conduit Generali (sa filiales, GFA Caraïbes), l'un des principaux assureurs de la France d'Outremer à arrêter ses activités d'assurance au profit des entreprises dans les Antilles. A la suite de cette annonce, Allianz et Groupama, ont décidé eux aussi d'arrêter de fournir cette garantie au sein des contrats d'assurance multirisque.

La conséquence de ces décisions est simple car il s'agit des principaux assureurs de ces départements et territoires : en cas de dommages consécutifs à une émeute, les dommages qu'ils soient d'incendie ou autres ne seront plus pris en charge par les assureurs mais supportés à 100% par les entreprises victimes. L'immense majorité d'entre elles n'ayant pas les moyens économiques de supporter seules une perte majeures, elles seront confrontées à un choix :

  • Augmenter fortement la surveillance et le contrôle des accès pour éviter que des émeutiers ne leur causent des dommages, avec des éventuelles dérives ou des surcoûts importants qu'elles devront répercuter à leurs clients ;
     
  • Arrêter leurs activités dans ces territoires et départements, ne pouvant envisager de supporter la ruine de leurs activités ou n'ayant plus les moyens de poursuivre (que ce soit avant une émeute ou post-émeute) ;
     
  • Acheter des garaties s"assurances  limitées - il y aura forcément une marché pour ceci - mais à un coût prohibitif qu'il faudra répercuter sur leurs produits et clients ;
     
  • Compter sur des lois exceptionnelles d'indemnisation passées post-sinistre et ne prenant pas forcément en compte toutes les pertes (système utilisé historiquement sous la Royauté, la Révolution et lorsque les systèmes d'assurance ne fonctionnent plus) ;
     
  • Attendre que l'Etat passe une loi obligeant cette couverture, mais prévoyant un tarif et des conditions de garanties, à l'instar des garanties Catastrophes Naturelles, ce qui augmenterait la nationalisation des garanties et aura pour conséquence à terme de restreindre le choix des couvertures/limitation des prises en charge et augmentera le coût des assurances. Si à court terme, cette solution peut-être souhaitable, à long terme elle se révèlera certainement dommageable. IL est préférable que l'Etat assure une certaine stabilité conduisant à éviter des situations insurrectionnelles, le tout sans restreindre nos droits indviduels.

La conséquence immédiate est que les territoires ultramarins seront confrontés à une réduction de l'investissement et donc à des pertes de revenus et de niveau de vie.

L’annonce de Generali, suivie par Allianz et Groupama, reflète une tendance inquiétante : il ne s’agit pas d’un retrait isolé, mais bien d’une remise en question générale de la couverture des risques  émutes et évènements populaires; dans les territoires d’outre-mer. Cette situation appelle à des solutions durables, sous peine de voir les entreprises locales sombrer dans une crise économique et sociale encore plus profonde.

Ces positions ds assureurs ne sont pas limitées aux seuls territoires d'Outre-Mer, les émeutes de 2023 et les dégradations antérieures liées à des mouvements sociaux, ont fortement touché les assureurs présents dans les zones sensibles et ceux assurant les collectivités territorriales. A tel point que certains assureurs refusent d'assurer des collectivités, outre les sinistres catastrophes naturelles.

L'ensemble des assureurs envisage de réduire les indemnisations sinistres en cas d'émeutes affectant des commerces et des entreprises.

Ce qui signifie qu'à terme, les entreprises quitteront ces territoires et collectivités si elles ne peuvent pas être indemnisées que ce soit suite à une manifestation qui déborde ou une émeute. Les dommages constatés en 2023 en France métropolitaine excèdent les 700 millions d'euros touchant essentiellement le marché des entreprises et des collectivités (collecte de cotisation de 8 000 M€ par an) Ce chiffre de 700 M€ peut sembler faible mais il très important comparé à la rentabilité des assureurs d'entreprises et suffit à les faire basculer dans le rouge. Ce qui est aussi inquiétant, c'est que cette vague d'émeutes limitées dans le temps ait conduit à des pertes économiques bien plus élévées que les émeutes antérieures plus longues et plus réparties dans notre pays.

Un dialogue est engagé entre les assureurs et l'Etat, pour que ce dernier puisse garantir la sécurité de tous et éviter les débordements conduisant à des dégradations. Il a pour but de trouver un soutien économique de l'Etat, que ce soit par la meilleure reconnaissance par les tribunaux des situations d'émeutes ou par des mécanismes économiques de recours contre l'Etat. Ce qui signifie que ces pertes seront portées par nos impôts, après ne plus pouvoir être payées par nos cotisations.

Ce sujet peut paraître anecdotique mais s'il n'est pas traité, il conduira à des désengagements massifs de la part des assureurs et des réassureurs mondiaux sur d'importantes zones géographiques françaises, conduisant à augmenter les inégalités économiques en créant des zones abandonnées et des partitions du territoire dommageables à tous.

Il n'est pas inenvisageable qu'à court terme, les assureurs et réassureurs ne veuillent plus accorder que des garanties limitées aux entreprises et aux commerces situés en zones prioritaires en France via des franchises importantes, des limites de garanties très faibles et des volontés de ne pas être présents sur certaines zones. Ce qui aura pour conséquences de désertifier des villes et des banlieux de tout tissu économique et de créer des zones urbaines en déshérence.

La France est l'un des seuls pays au monde où les clients ont accès à des contrats d'assurances disposant de garanties larges. La contrepartie de cette offre d'assurance élargie est que le pays offre des conditions de stabilité sociale outre un bon contrôle des conséquences des événements naturels.

Si cette condition disparait, les assureurs se souviendront qu'ils sont d'abord des commerçants comme tous les autres et qu'ils doivent in fine avoir des bilans rentables pour poursuivre leurs opérations et continuer  à servir leurs clients. Personne ne peut se permettre d'être assureur auprès d'un assureur qui n'est pas rentable. Ce serait jouer à roulette en cas de sinistre.

Contrairement à ce que l'on peut penser, les assureurs ne sont pas suffisamment riches pour cela, seul l'Etat l'est mais l'Etat c'est nous depuis la Révolution. Ce sera donc nous tous qui paieront avec nos impôts avec un prix bien plus lourd pour permettre aux entreprises et à nos concitoyens de pouvoir faire face à des troubles civils sans être ruinés.

Si l'assurance a si bien réussi, ce n'est pas qu'elle soit angélique (un commrce reste un commerce), mais c'est parce qu'elle apporte un soutien économique jugé indispensable à la poursuite des activités. Avant qu'elle n'existe, on était être ruiné par un incendie, par un coup de gel ou par un orage de grêle, même avec des lois d'indemnisation. Avec elle, on peut se remettre d"une situation difficile dans la majorité des cas. C'est pour celà qu'il faut préserver notre régimes d'assurances en cas d'émeutes et d'événements populaires. L'assurance, ça marche bien quand les pertes annuelles restent de l'ordre de un du mille de la valeur des biens assurés (c'est le même valeur depuis près de 4 siècles, peut-être pas un hasard).