Histoire de l'assurance - Retour sur d'anciens contrats d'assurance-vie

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Publié le: 12-11-2024

Un retour très en arrière sur les premiers contrats d'assurance-vie ayant existé.


On pense à tort que l'assurance-vie est relativement récente : 25 juillet 1706 avec la création d'AMICABLE SOCIETY fondée sur des cotisations fixes entre ses 2000 membres fondateurs dépendant du nombre d'actions (3 au maximum par personne et âge maxi à la souscriptio de 45 ans) - les tontines un peu antérieures ne peuvent pas réellement être considérées comme de l'assurance-vie. Elles sont plutôt mêlées à une abondance de scandales financiers. Il existait auparavant des contrats d'assurance-vie mais pas d'assureur spécialisé dont c'était le métier spécifique. Ces contrats d'assurance-vie étaient souscrits par les assureurs maritimes.

Une mention du plus ancien contrat connu d'assurance-vie anglais (et d'une tout aussi vieille position de refus de règlement sinistre)  :

“The year of this oldest policy was  June 18, 1583, in London, England. The insured was named William Gybbon. His job was to preserve meat and fish using salt (a salter). A policy was purchased by Richard Martin, a citizen and alderman of London, whose relationship with the beneficiary is unknown, though the Thirteen merchants of London.

Martin received a written promise (the “policy”) for 30 pounds sterling that if Gybbon died within a year he would receive 400 pounds as a death benefit. 

“The policy was written as a one-year term, and, as luck would have it, Gybbon passed away just before the end of the year. The underwriters refused to pay Martin, claiming the contract was for a lunar year. . “A year means 12 lunar months of 28 days each,” they claimed. “Gybbon died just after the lunar year was up.”

La première société US d'assurance-vie est "The Presbyterian Ministers’ Fund" qui fût fondée en  1759. Elle reposait sur la même mécanisme que l'AMICABLE : une cotisation fixe qui permet de verser un capital aux veuves et aux enfants des pasteurs. Les églises protestantes sont à l'origine de l'assurance-vie outre-Atlantique car elles y voyaient un moyen de conforter les vocations des pasteurs en sécurisant la vie de la famille. 

La première société d'assurance vie à proposer des tarifs calculés sur des tables de mortalité (naissance/âge et taux de mortalité) fût la Society for Equitable Assurances on Lives and Survivorship" en 1762, sous forme mutuelle. Elle été créée par un mathématicien, John Dodson, qui avait 45 ans lorsu'il voulût s'assurer sur la vie auprès de Amicable. S'étant fait refuser par Amicable, il va créer sa compagnie sur la base du risque connu et utilisera pour cela la Table de Mortalité d'Halley publiée en 1662. C'est la naissance de l'assurance-vie moderne.

Les assureurs-vie français seront créés après sur intervention de Louis XVI.

 

Des contrats encore plus anciens

Certains auteurs ont documenté le fait que les contrats souscrits par les sociétés funéraires romaines s'étaient peu à peu transformés en contrat d'assurance décès allant au-delà des frais funéraires, en distribuant des fonds qui n'étaient pas liés aux cérémonies.

Enrico BENSA dans son "Histoire du contrat d'assurances au Moyen-Age" (édition 1897 - disponible sur Gallica ou en librairie) consacre un chapitre aux prémices de l'assurance-vie. pour ces contrats, il ne s'agit pas strictement d'assurance-vie au sens où nous l'entendons puisqu'il s'agit de garanties prises sur des esclaves (considérés comme des biens) - mais même à l'époque de telles garanties restaient exceptionnelles, elles n'ont été généralisées que lors des 17ème et 18ème siècles.

 

Le contrat évoqué par BENSA avait pour nom le contrat de société, garantissant un capital en cas de décès d'une femme lors de sa grossesse. Ce capital servait en fait à payer une amende en cas de décès de l'esclave, si le père présumé était un homme de condition libre (statuts de Gênes).

Enrico BENSA cite deux contrats de cette nature datant du 15/11/1430 et du 23/1/1467. Il note que ce ce type de contrat a été aussi vendu pour garantir le décès de femmes libres en période de grossesse (police émise le 10/4/1427, ancien calendrier) qui eux sont de réels contrats temporaires décès.

Il y avait aussi des contrats d'assurance vie au sens moderne du mot (contrat daté 5/1/1428), sous forme de temporaire décès. Un autre contrat d'assurance temporaire-décès similaire est signalé par BENSA, un peu plus ancien (17/8/1427).

CLEIRAC dans son livre (US ET COUTUMES...), indique clairement l'existence de contrats d'assurance-vie même s'ils fûrent proscrits plus tard par la Grande Ordonnance de la Marine de Colbert. CLEIRAC mentionne aussi que l'on s'est parfois esayé à garantir le décès des équipages par des contrats maritimes, mais que l'on a vite arrêté : tant la baraterie, que l'absence de liens sociaux forts, poussaient à la commission d'actes criminels pour que les investisseurs/marchands ou le capitaine perçoive une indemnité.

Vers 1570, la couronne espagnole avait aussi décidé de déclarer illégaux les contrats d'assurance-vie négociés aux Pays-Bas. A l'époque, ils mélangeaient gageure (simple pari) et réels contrats d'assurance, visant entre autres les gageures faites sur la survie des enfants. Il ne s'agissait pas d'un interdiction par principe, mais pour faire cesser une pratique qui choquait les espagnols et certainement des néerlandais.

Ce que nous apprend ce rappel, c'est que l'assurance a été utilisée de façon imaginative très tôt pour s'adapter à de multiples situations de pertes potentieelle. Ces contrats illustrent aussi que les systèmes moraux/légaux de l'époque nous sont totalement étrangers puisque le but visé était de payer une amende, pour le père reconnu comme tel, au cas où un esclave enceinte mourrait en couches.

Les contraintes sociales de l'époque existaient (sinon les contrats n'auraient pas été mis en place) mais étaient en même temps d'une nature différente intégrant nettement moins le respect à la personne humaine comme principe, qu'aujourd'hui.

 

Ce sont ces faits qui ont conduit : à l'abandon des contrats de gageure en assurance ; à ne plus couvrir des amendes et à mettre en pause pendant quelques siècles, l'assurance-vie dans beaucoup de pays.

 

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